On voit fleurir ici et là des vins portant la patte de la parcelle dont ils sont issus. A savoir de très petits volumes aux gros efforts qualitatifs pour faire ressortir la patte du terroir, à l’image des « climats » en Bourgogne, quand le nom de la parcelle est mentionnée sur les vins de Premier ou Grand Crus. La viticulture alsacienne a besoin de se construire « à nouveau » ses vins de terroir. A nouveau, oui, depuis la dernière fois … quelque part sous la Renaissance … ça nous ramène à loin …
Les « Alsace Grands Crus » se sont noyés dans la connivence lors de leur création voici 40 ans, et n’ont hélas pas de grande crédibilité. En effet, les délimitations des « Alsace Grand Crus » ont souvent fait l’objet de marchandages entre vignerons. A savoir, si la délimitation historique du lieu-dit était respectée, les tracés auraient exclu des voisins ou des cousins de ceux qui étaient les heureux élus. C’est ainsi qu’on a vu des lieux-dits soudainement agrandis de leur tiers, voire même plus, pour faire plaisir au plus grand nombre. C’est aussi de cette manière que des lieux-dits ont été parfois totalement dévoyés, et certains grands crus ne correspondent plus aux lieux-dits qu’ils sont censés représenter. Les Grands Crus étaient redonner une élite au vin d’Alsace, car durant depuis Charlemagne jusqu’à la Renaissance, les grands vins d’Alsace étaient fameux, connus et très chers. Une belle intention qui a cependant succombé à l’urgence de l’époque, à savoir donner au vin d’Alsace de nouvelles lettres de noblesse là où d’autres vignobles Français avaient déjà fait le boulot.
Aujourd’hui, le mal est fait et il est difficile de rectifier le tir, d’autant que le petit monde des vignerons décide tout dans son coin.
Car ce connivence génère le fait que n’importe quelle eau sucrée a droit à son appellation « Grand Cru » du moment qu’elle est déclarée comme en étant issue de raisins élevés sur le terrain. C’est là un autre problème, celui de la crédibilité du gout d’un Cru.
Ajoutez les deux biais, et à la fin, de crédibilité il n’y a plus.
Peut-on espérer un changement climatique ?
Sans bousculer les AOC Alsace Grand Cru qui se sont compromis dans la collusion, les vins de « climats » peuvent aider le vin d’Alsace à reconquérir ce qu’il était au Moyen-Âge et à la Renaissance, à savoir un vin recherché, rare et cher. L’amateur de vin et d’Alsace ne peut que souhaiter au vin d’Alsace de redorer son blason !
Il n’y arrivera pas seulement en montant les prix, comme peuvent le croire les clubs de vignerons, car les temps ne seront pas toujours aussi cléments qu’actuellement, où la demande en vin de prestige continue d’augmenter.
Non, c’est par l’appropriation du terroir et par l’élévation de celui-ci que les résultats se feront sentir … sur plusieurs générations.
Les papas des vignerons actuels ont pour certains constitué des patrimoines de vignoble minutieusement choisis.
Les « jeunes » vignerons, en fait pour la plupart des quadras qui sont aujourd’hui quelques dizaines à croire au vin de terroir, forment la seconde génération de cette reconquête, axés sur la mise en valeur des terroirs là où la génération d’avant n’échappait jamais au diktat du rendement. Ils sont quelques-uns à se lancer dans ces vins parcellaires et à le faire savoir. En plus, seuls ceux qui y mettent le talent et le travail nécessaires peuvent traduire le terroir dans le verre, contrairement aux vins de collusions cités plus haut. Voilà un bel arbitre, j’ai nommé le goût !
La génération suivante en récoltera les fruits et apportera encore ses perfectionnements, soyons-en certains, et chacun s’adapte à son époque, à ses clients.
Tous les vins durablement grands se sont construits sur le long terme avec un regard qui porte haut, loin et droit avec beaucoup d’humilité, et non d’arrogantes stratégies commerciales. C’est pour cela que j’aime tellement aller rendre visite à tous ceux qui ont du vin une belle et haute opinion.