Cette série de billets est issue de l’ouvrage encyclopédique du chanoine Médard Barth publié en 1958 « der Rebbau des Elsass » ou « Le vignoble d’Alsace », ouvrage de référence en matière d’Histoire du vin d’Alsace…
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Lors du billet précédent consacré à Médard Barth, nous parlions des contrats de fermage…
Au 13ème siècle, la plupart des abbayes et des évêchés réclament pour paiement de loyer la moitié de la récolte, parfois seulement le tiers. Lorsque le propriétaire était trop éloigné du lieu de culture, il arrivait que le paiement se fasse sous forme d’argent. Il envoyait alors des contrôleurs assermentés faire des tournées dans leurs vignes pour estimer les rendements de chacun et d’ainsi éviter les fraudes (P123). Ces contrôles se sont perpétués jusqu’à la Révolution Française.
Cependant cette activité a toujours attiré les convoitises, et le fermage de vigne a souvent été un privilège recherché. Régulièrement, le produit de la vendange n’était pas honnêtement réparti. Les contrats de fermage stipulaient les proportions ou les quantités à livrer au propriétaire terrien, mais régulièrement, le viticulteur-fermier s’octroyait une part plus importante et ne livrait pas son dû. On trouve ainsi trace de certains millésimes généreux où les viticulteurs se mettaient de beaux bénéfices dans la poche.
Cependant, même sans tricher, le viticulteur était un homme aisé, et il arrivait qu’il prenne des libertés comme par exemple le fait de sous-louer une partie des vignes dont il avait la charge, au lieu d’embaucher des ouvriers.
A partir du 14ème siècle et l’émergence des villes et de la Décapole, les métiers de la vigne se sont ligués en guildes (page 112 et +). A la campagne, les nombreux petits fermiers de vigne vivaient bien aussi. Tout ce petit monde vivait plus ou moins en harmonie jusqu’en 1525 et la guerre des rustauds (ou guerre des paysans).
Manque de professionnalisme et examens de viticulteur
Par la suite plus rien ne fut pareil et cette décadence se poursuivrait jusqu’à la Révolution Française. Des personnels non formés s’occupaient de la vigne, occasionnant des dégradations qualitatives, et la course au rendement commençait ici et là.
Devant les dégâts occasionnés à la vigne par des locataires (les fermiers de vigne) non formés au métier, les autorités ont tenté de mettre en place un système de contrôle. On trouve ainsi un arrêté de la ville de Colmar datant du 2 Novembre 1605, lequel stipulait que celui qui voulait prendre en fermage de la vigne devait prouver ses aptitudes à la cultiver correctement. Le texte prescrit que chaque viticulteur doit être en mesure de reconnaitre le cépage de chaque pied de vigne – sans gouter le raisin, ce qui revient à avoir des connaissances en ampélographie. Il doit ensuite exécuter la plantation de trois pieds de vigne. Il devait ensuite réaliser sur une surface d’un demi-Schatz ( env 2,5 ares), le travail de tuteurage, de taille et d’attache. Bien entendu cette épreuve est dument observée et jugée. Si on juge qu’il maitrise son ouvrage, il est autorisé à cultiver de la vigne. Sinon, il est prié de parfaire son apprentissage et il ne peut pas prendre de vigne en fermage.
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on voit que le métier de viticulteur était tenu en haute estime depuis bien avant le tournant du millénaire, que les contrôles étaient nécessaires et que la course au rendement a mené à une dégradation qualitative du métier et du vin … déjà