Mars 2016. après un hiver chaud, mais très pluvieux, en ce début Mars la nature qui était déjà prête à exploser est ralentie par des températures qui finissent par être fraîches. On échappe aux franches gelées, et déjà les premiers arbres fleurissent, le pissenlit fait le bonheur des épicuriens de la vie par le bout du simple, avec lardons et œufs mollés, croûtons et hop à table ! La nature s’éveille par … le sens de l’ouïe ! Les gazouillis venus forment une sarabande dans les aigus, dans un concerto pour flûtes, traversières, à bec, et autres clarinettes ! Les sens humains aussi s’éveillent ! On dit souvent que le vin dort en hiver, mais ne seraient-ce pas nos sens ? …
En tout cas voilà que nous avons franchi l’Outre-Forêt en ce début Mars, pour une virée dans le Palatinat voisin. Là-bas sonne l’heure des dégustations des premières mises de … 2015 ! Ici comme en Alsace, on ne chôme pas, le vin fermente généralement dans la semaine après les vendanges, est soutiré et « vieillit » jusqu’à Noël, parfois il est déjà mis en bouteille avant le passage de l’année nouvelle. Le vin a donc déjà 3 mois de mise en bouteille quand nos capacités olfactives s’éveillent seulement. L’olfactif n’est pas un Dieu Romain ni le croisement entre l’opossum et l’okapi, mais c’est un de nos 5 sens, et non, Facebook n’est pas un sens !!! …
Au programme de cette première virée entre amateurs passionnés, deux domaines de prestige dans le top de la Pfalz, Bassermann-Jordan et Bürkling-Wolf, puis dès le lendemain, la présentation du Millésime 2014 au Domaine Alsacien Zind-Humbrecht, tout en haut de la hiérarchie alsacienne.
Tous trois dans le top des domaines de référence mondiale pour les vins blancs, vous y trouverez de très, très vins beaux, précis, bien définis, représentant les terroirs. Vous y trouverez aussi des vins de surmaturité confondants vos sens en stupéfaction. Voilà pour leurs points communs. Mais pour le reste, comment tenter de définir ces Domaines qui apportent chacun une pierre à l’édifice multimillénaire du beau vin !? …
Le Palatinat
Cette région viticole d’Allemagne du Sud, dans le prolongement des Vosges du Nord, s’adosse aux collines douces orientées Nord-Sud et descend en plaine. La configuration topographique est un peu semblable à celle du vignoble alsacien, avec là aussi des extensions en plaine qui nuisent à la qualité générale du vin. D’ailleurs on y trouve une jolie route des vins parcourant des villages fleuris aux rues étroites et dominés par des ruines de châteaux forts, tout comme en Alsace.
Mais avec le réchauffement climatique, le Palatinat bénéficie maintenant d’un équilibre climatologique plus favorable à une maturation lente et harmonieuse du raisin là où l’Alsace voisine voit ses raisins affectés par des températures et des précipitations trop brutales pour les cépages locaux.
Là aussi la géologie a offert une situation de sols très variés, ici dominés par le grès là où l’Alsace offre plus de sols marno-calcaires.
Les cépages sont grosso-modo les mêmes qu’en Alsace avec une plus forte présence du cépage-Roi, le Riesling, mais aussi la présence du Sauvignon Blanc qui s’accommode très bien du vignoble pour donner une fraîcheur printanière à la dégustation.
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Kirchgasse 10 – 67146 Deidesheim
Tel. +49 (0)6326 – 6006
La classique Bassermann-Jordan, une maison qui joue la sécurité, l’éclat des Riesling perlants et perlés de brillants, telle une Mercedes filant sur une route confortable, file et sautille entre les notes, alerte et fine, avec les sens des variantes bien établi, et la Dame est élancée, elle porte une longue robe écrue, elle laisse dans son sillage des parfums floraux et fruités …
Comme chaque printemps, c’était présentation du millésime, ici 2015. Sur réservation gratuite, l’accueil se fait dans un chai chauffé, s’il vous plaît, aux murs propres, avec de la lumière du jour. L’accueil se fait avec le sourire et un calme Olympien, on a l’impression d’être une personne humaine et un client, ici !
Les clients se pressent autour d’une longue table où s’enchaînent les vins selon une hiérarchie dont les alsaciens feraient bien de s’inspirer : Vins de domaine, Appellations Village, Premiers Crus, Grands Crus, enfin les liquoreux. Les cépages sont toujours en sous-catégorie ! Tout est progressif, rien ne dérange même quand un Grand Cru me plaît moins qu’un Premier Cru ça reste normal, car justement les vins sont parfaitement différentiés par leur expression, vive les vins de terroir ! On y retrouve du début à la fin le style de la maison, épuré, c’est net, précis ! mais on y recherche et trouve ce petit plus qui réside dans l’expression sensitive du terroir ! Pourquoi faut-il franchir la frontière pour trouver des vins blancs secs qui expriment si bien le terroir ? A savoir sans ce désagréable smak-smak à la Française qui tapisse mal la bouche !
Cependant, difficile de goûter les 2015 à ce stade, les quelques 2014 restant sont à peine goûtables. Les coups de cœurs vont au Riesling de Deidesheim en Feinherb qui m’avait déjà impressionné lors de la visite précédente, les Premier Crus sont tous excellents pour des usages différents, que ce soit le finement fumé Ruppertsberger Reiterpfad (« sentier des Chevaliers »), le superbement expressif Ungeheuer (ou « incroyable »), ou le Ruppertsberger Hoheburg (« Château Supérieur »), tous entre 15 et 18 Euros soit offerts ! Et parmi les Grands Crus je veux absolument citer le Pechstein, un vin Magnifique ! Enfin, pouhhh sur un Rieslaner Auslese (Vété / Sélection de Grain Noble) à se taper le hummpff par terre.
Notre impression était que les vins d’entrée de gamme sont chers pour ce qu’ils sont, les plus chers un peu en deçà de leur niveau espéré et donc trop chers. Ceci dit, quel est l’intérêt de présenter des vins aussi jeunes ? Vraiment très, très difficile de goûter ces vins à ce stade.
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Weinstraße 65
67157 Wachenheim
Tel. Nr. 06322/9533-0
Ensuite la très Baroque maison Burkling-Wolf, qui déroule une impressionnante armée de déclinaisons d’expressions de terroirs, nous sommes cependant dans les lignes mélodiques des baroques germaniques, avec une influence latine qui confère une folie chaloupée et telle une Jaguar elle va dérouler la sensualité entre forêts et plaines, montagnes et vastes étendues. Alliant précision et expression, la Donna est brune, charmeuse et chaleureuse, accessible et pleine d’audace, après son passage s’installe déjà un manque …
Nous sommes retournés auprès d’un des top domaines allemands du vin, ouvert tous les jours à tout public, quelle chance !!! Ici pas de présentation des 2015, ça viendra en Septembre, car les vins de terroir doivent encore rester aux lies
Ici aussi, un accueil chaleureux, classe, dans des locaux parfaitement dédiés à la dégustation dans un style classique allemand d’influence Française avec salon Voltaire et beaux meubles. Ici, pas besoin d’être un fond de pension pour entrer déguster, on vous accueille avec le sourire, en allemand ou dans un parfait anglais. La vraie classe, c’est ça ! Une classe aristo, pas une classe de parvenus …
On s’était annoncés, et en conséquence on nous a épargné les Grau et Weiss Burgunder qui n’ont pas d’intérêt pour un amateur de vin Rhénan, à quelques exceptions près…le Riesling est quand même, à plus de 90%, LE cépage des vignobles septentrionaux !
Ici on sait ce qu’on veut ! Viticulture Bio sur les 90 hectares de propriété propre, 90% vendangés à la main, toutes les cuvées parcellaires rapportées dans des caisses de 10 kg de raisin maximum, les cuvées prestigieuses sont en biodynamie alors que c’est inconnu en Allemagne…Elevage en bois dans la grande majorité, et élevage sur lies fines pour les cuvées prestigieuses.
J’ai juste confirmé le coup de cœur de l’année dernière, avec des cuvées qui proposent des expressivités fortes et d’une précision folle, avec de très belles minéralités mais nettes, et on ressent sans aucune hésitation les différences entre deux vins qui ont grandi à 400 mètres de distance ! Il faut dire que ici, on différencie les crus par parcelles cadastrales. On est plus proche des Grandes parcelles de la Côte de Nuits version vin blanc, en somme on est là dans la Bourgogne du Vin Blanc !
Les prix sont dans la tranche haute, les premiers Crus tournent dans les 20 euros, les Grand-Crus tournent déjà à 50 euros.
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DOMAINE ZIND-HUMBRECHT
4 ROUTE DE COLMAR
TURCKHEIM, 68230, FRANCE
Tel: +33 (0) 3 89 27 02 05
Avec Zind-Humbrecht, nous versons dans une modernité qui puise ses racines dans le baroque Italien, lignes mélodiques aux arabesques pleines et enrobées et pourtant en recherche d’une profondeur qui puise loin dans nos êtres, les accents sont ceux d’une Maserati aux splendeurs latines, mais la racine s’enfonce profondément dans la Terre. Ici l’expression est reine, belle, jolie et ou sérieuse, sérieuse et jolie, la Lady glisse dans une robe au grain visible et sensible, à fleur de peau elle vous emballe…
Nous étions conviés à la présentation du millésime 2014. A peine mis en bouteille, les vins de 2014 prouvent qu’on est ici dans une grande maison.
La différence entre un vin de grand terroir fait par un grand vigneron des autres, c’est que le terroir amortit l’effet météorologique (pas climatique !), et que le grand vigneron est à l’écoute de la terre pour s’adapter au mieux aux conditions particulières. Sur un terrain quelconque la vigne sera plus sensible à la météo, et le vigneron lambda va vouloir déverser techniques et produits pour espérer forcer la nature à s’adapter à un résultat standard.
Oui, 2014 était une année difficile en Alsace, sauf pour le Riesling. Ca tombe bien ! De fait les Riesling sur les grands terroirs offrent des équilibres superbes, avec leurs pâtes précises et pleines de vie ! Peut-être dans la même famille que les Bürkling-Wolf, les vins Zind-Humbrecht vont encore plus loin côté minéralité, leur potentiel de vie semble encore plus élevé. Ceci dit, ce n’est qu’une impression car je connais bien mieux les vins du domaine de Turckheim que ceux de Wachenheim.
En tout cas, les Rangen de Thann, Brand et Clos Windsbuhl sont des princes du vin blanc, en Riesling évidemment. Je n’ai pas accroché avec les Gewurztraminer, d’ailleurs j’ai vraiment du mal avec ce cépage qui exprime beaucoup (trop) d’arômes, fragile, à tendance dominante. Il faut que la surmaturité et le botrytis le calment pour qu’il se mette enfin au service complet du vin.
S’étendant sur 41 hectares, avec un rendement moyen de 29 hectolitres à l’hectare, le domaine qui exporte plus de 75 % de son vin (stratégie qui peut s’avérer dangereuse en cas de temps sombres…), et propose des vins en biodynamie classés par types de sols, puis par Terroir, avec une finale sur les magnifiques vins de surmaturité qui ne sont produits que certaines années.
Ici aussi, l’accueil est souriant, on se sent reconnu même si ce n’est peut-être pas vrai, mais la classe est dans ces détails. Ici la dégustation est accompagnée de charcuterie extrêmement fine de chez Sézanne à Colmar. Certes le domaine ne possède pas de local pour la dégustation, on déguste dans une cave de béton, mais les tables se succèdent dans un ordre logique, on y présente les vins par terroir et non par cépages, comme en Allemagne, c’est bien !
Ici, les prix sont aux alentours de 100 euros pour le Rangen, et plus de 60 euros pour les vins de Crus. Par bouteille bien sûr.
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Présenter les vins par terroir, pas par cépages, la vraie démarche du vigneron.
Seule l’entrée de gamme, le vin de pays, devrait être présenté par cépage, car du moment qu’on revendique un terroir il doit être sensible au goût, et donc défini dans ses grandes ou plus fines lignes, au goût et pas par les arômes. Donc, présenter le vin par terroir devrait être la seule manière de faire pour toute maison qui prétend produire des vins de terroir …
Certains (autres que Zind-Humbrecht ou Deiss, exemples en la matière) disent parfois « oui mais le client ne comprendrait pas » … je réponds « ah, votre client est-il donc imbécile ? non ? alors expliquez-lui, il comprendra et s’intéressera ! » … et puis si les allemands ont fait et réussi leur révolution d’appellations, dans un pays où les habitudes ont la vie dure, pourquoi pas nous ? …
Les excuses financières servent à justifier toutes les lâchetés, surtout quand on est assis sur des tas d’argent. Ici c’est toute l’image d’un vignoble qui est en jeu, et à ce jeu c’est le Palatinat qu’on peut citer comme Bourgogne du vin blanc en matière de vins de terroirs, pas l’Alsace. Non pas par provocation, mais parce que c’est une démarche sensible dans le verre, ça ne reste pas un discours sur une contre-étiquette.
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La classe, la vraie classe en matière de vin, c’est la qualité de l’accueil. C’est aussi la qualité des sites internet, tous trois très bien faits. Les vins sont beaux, très beaux, et de plus en plus précis et expressifs. La notion de terroir a enfin reconquis l’espace Rhénan ? Certes ces vins restent des exceptions, mais de magnifiques exceptions !
Mais d’un autre côté, les tarifs sont décourageants, s’adresse aux buveurs d’étiquettes et le vin reste finalement un loisir pour l’amateur passionné. Les familles et amis ne connaissent souvent pas ces maisons et ne font généralement pas la différence entre un grand cru et un vin bon, nous allons peu à peu ne même plus déguster les Grands Crus de ces maisons, ce n’est pas grave, il y a d’autres belles choses dans la vie !
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