Samedi 26 Février 2011
à la Taverne Alsacienne à Ingersheim,
dîner gastronomique autour
du Gewurztraminer
organisé par l’Oenothèque Alsace
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Le cépage est emblématique de l’Alsace, il représente la richesse aromatique et épicée du vin d’Alsace. En effet, nulle part ailleurs on ne produit autant de « Gewurz », et il est connu de apéritistes parisiens aux grands-pères des quatre heures endimanché.
On est secs sur les accords ?
Souvent associé à la surmaturité, il n’en reste pas moins prioritairement un vin d’exubérance aromatique, même si – disons-le – parfois jusqu’à l’écoeurement, lorsque planté sur des types de sols moins adaptés ou lorsque récolté trop tardivement.
Pourtant ce vin est difficilement associé à table, de l’aveu même des vignerons. Sur les plaquettes du CIVA, on le dit adapté aux plats asiatiques parfumés (« épicé » ne veut pas dire pimenté !). N’empêche, on ne mange pas asiat’ tous les deux jours, et rarement pour les invités du dimanche midi, et sûrement pas lors des fêtes de fin d’année ni lors d’un anniversaire…. Et pourtant….et pourtant…
En tant que terre d’échanges, l’Alsace était un lieu où arrivait les épices. Les plats traditionnels alsaciens en sont par conséquent riches…si on les utilise… l’association de la cuisine de ce terroir avec le Gewurz est donc simplement un « accord de terroir ».
A propos de cuisine alsacienne, je crois qu’il faut une fois de plus inviter à sortir des idées vite arrêtées qui se cueillent opportunément dans les usines à touristes du bord de l’Ill Strasbourgeoises (et ceci même quand on peut y manger en terrasse), pour se pencher sur une cuisine qualitative et mise en intelligence.
C’est cette capacité d’association du Gewurz qu’on démontré avec brio Jean-Philippe Guggenbuhl et Thierry Meyer lors de ce dîner, par le haut, qualitativement bien sûr, et ici dans la catégorie gastronomique, excusez du peu.
Un dîner encore exceptionnel
La soirée s’est une fois de plus déroulée dans une ambiance à la fois conviviale et dans le calme permettant la concentration sur le sujet.
Et l’échange avec les vignerons présents à ces soirées est toujours extrêmement intéressant. Perso, je trouve que dans ces circonstances, on sort du « discours de cave » pour entendre les vignerons s’exprimer de façon plus pointue et plus personnelle sur leurs préférences et leurs expériences. C’est donc là aussi un moment privilégié pour l’amateur de vin … curieux.
J’ai été surpris par le fait que je n’ai ressenti aucune sorte de saturation dans cette suite de Gewurztraminer sélectionnés. En effet, comme le faisait remarquer M Etienne Sipp, nous n’avions pas l’impression d’avoir passé une soirée entière avec le seul Gewurztraminer. On précisera que nous n’avons pas là eu affaire à « juste du Gewurz », mais bel et bien à « des vins de terroir plantés de ce cépage ». La nuance tient dans le fait que le cépage seul ne fait pas le vin de gastronomie…autre sujet…
Ensuite, je dirai qu’à table, la richesse aromatique du Gewurztraminer suffit pour acompagner des plats qui étaient quant à eux très finement parfumés d’épices. Mais pour cela, le « vin de Gewurztraminer » doit vraiment, selon moi, posséder l’acidité nécessaire et peu de « sucres sensibles », pour ne pas devenir lourdeau et coller aux dents.
Compte rendu de dégustation : Je ne ferai pas, comme je fais de moins en moins, de compte rendu précis. L’objectif était ici pour moi plutôt d’espérer rencontrer l’alchimie de l’accord met + vin : quand la rencontre du plat et du vin forment une troisième dimension de sensations gustatives ! C’est rare !
Aucun vin ne m’a déplu.
Avec l’amuse-bouche de star (une tranche de foie-gras de derrière les fagots) c’est le JB Adam qui m’a le plus chatouillé le palais de ses fruits exotiques.
Le nem de canard confit est une tuerie d’un point de vue gastronomique. Ce plat allie une magnifique expressivité de parfums (épices), avec la finesse. Les équilibres sont superbes entre le confit et la salade, le nem faisant le pont. D’un point de vue accord, j’ai été plus séduit par l’accord avec le Gewurztraminer Zind-Humbrecht que j’ai trouvé d’une grande expressivité au nez et très finnesment parfumé en bouche.
Justement, j’ai trouvé, c’est très personnel, une alchimie entre le Gewurztraminer GC Altenberg de Bergheim 1983 de gustav Lorentz et le plat de lotte en filet de Jean-Philippe Guggenbuhl. La subtilité (perceptible) et l’élégance des deux éléments m’invitaient au voyage des sens…ces moments sont suffisamment rares dans la vie pour être tracés. J’ai du fermer les yeux quelques instants pour savourer au mieux…
Bien entendu c’est un privilège de pouvoir goûter dans de telles conditions des vins et des plats d’un tel niveau, et c’est une fois de plus un moment unique.
En sortant de là..
En sortant de là, et parce qu’on ne mange (hélas) pas tous les jours à la Taverne Alsacienne (la rareté permet d’apprécier) je me suis dit que le vin de gewurztraminer de gastronomie accompagne parfaitement la cuisine finement épicée « de tous les jours ». Elle n’a pas besoin d’être spécialement asiatique, elle peut être de base alsacienne qu’on arrangera un peu, on pensera seulement à sortir les épices du placard…une simple escalope de poulet avec des petits légumes aura une toute autre gueule en associant des épices.
Merci et Bravo à Thierry Meyer et Jean-Philippe Guggenbuhl pour cette belle soirée.
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MENU
Ci-dessous le menu de la soirée, que j’ai rectifié car deux vins ont du être changés pour deux autres en dernière minute.