Le Cave Coopérative de Hunawihr

Dans un des derniers billets, je parlais des trois familles du vin d’Alsace. l’une d’elles est constituée des caves coopératives, dont je n’avais jamais parlé sur ce blog. Justement j’ai été contacté par le directeur commercial d’une cave coop, qui m’a invité à venir visiter sa cave. Quand on m’invite, je viens, et dans notre cas précis il était impensable de ne pas donner suite à cette invitation.

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J’ai régulièrement cité en exemple les « grosses structures » qui selon moi produisent des vins plus propres que nombre de petits producteurs (si on sort de la 50taine des vignerons connus des amateurs de vin).

Pas assez visiblement, car un à-priori associe systématiquement l’amateur de vin de niche à l’aficionado des petits vignerons. Apparemment les idées reçues circulent également chez ceux qui sont « autorisés à penser ». bref.

Mais quid des caves coop ? Si l’amateur de vin connaît bien les vignerons de renoms et quelques grandes maisons de négoce, ce secteur de l’économie vinicole reste souvent inconnu.

J’ai passé 2 heures avec Dominique Soller et l’œnologue Philippe Guery, un passionné de vin, notamment de Bourgogne pour faire un tour de cave avant une dégustation.

 

Une petite cave coop

Petit rappel pour les amateurs de vin que nous sommes : le marché du vin que nous buvons représente une niche. Ce sont les grandes maisons de négoce d’une part, et les caves coopératives d’autre part qui occupent le devant de la scène du marché du vin, et ces entreprises donnent le la. Les plus gros « metteurs en marché » en Alsace sont des caves coopératives. Ca ne nous intéresse pas forcément, mais la situation du marché du vin nous concerne pourtant, par exemple en regard des niveaux qualitatifs et des prix que nous pouvons rencontrer.

La cave de Hunawihr est une « petite » cave coopérative d’une bonne centaine d’adhérents. Elle produit 2 millions de bouteilles « seulement », dont seulement 20% en Crémant, ce qui est plutôt malin par les temps qui courent, les bulles alsaciennes n’ayant rien d’alsacien et son avenir n’étant pas garanti du tout …

Cette cave coop est connue comme étant parmi les plus dynamiques, et elle est très visible. Bien placée sur les étagères des supermarchés régionaux (visible et donc sujette aux critiques…), avec une étiquette propre et sobre pour les 6 Grands Crus présents à la carte, des terroirs parmi les plus prestigieux au palmarès de l’Alsace viticole, mais aussi une palette de vins de cépage et des vins d’autres terroirs.

La cave profite d’une capacité de stockage importante pour fabriquer des vins de profils atypiques, comme ce Chasselas qui vieillit actuellement en fut par exemple, pour donner une assise à un cépage qui n’est pas très puissant au départ. On aura donc le Chasselas vin de soif, et un autre pour la table.

Autre fait notable selon moi, l’intention de proposer désormais des vins digestes « à l’allemande ». J’ai immédiatement fait le rapprochement avec ces vins allemands digestes et de soif faciles à aborder et à boire qui se surcroit ne titrent pas 13 degrés pour un simple vin de cépage. Très bon choix selon moi ! Nous verrons ce que cela donne à l’avenir, mais j’ai pu déguster un Riesling SGN plaisant et digeste, ce qui est déjà rare en soi, un vin qu’il faudrait pouvoir mettre aux côtés des productions allemandes pour le tester.

En effet, les vins de cépage d’Alsace devraient vraiment gagner en digestibilité, c’est désormais un vrai problème en Alsace.

DES COOPERATEURS COOPERANTS

Les propriétaires de vignes – ici ils sont une centaine – cultivent chacun leurs raisins et les apportent au pressoir lors des vendanges. Ils travaillent la vigne selon un cahier des charges. La cave coop prend ensuite en charge la vinification, puis la mise en bouteille et la commercialisation du vin. ici comme ailleurs, tout doit être bouclé dans l’année, car la prochaine vendange arrive fin août / début septembre selon les années.

 

Cahier des Charges

Je me balade aussi dans les vignes pendant les vendanges, et ce n’est pas toujours la top qualité qui est vendangée, loin de là. Donc, quand on va visiter une cave coop, on va vous dire systématiquement que les coopérateurs sont tous des passionnés de la viticulture qui suivent les cahiers des charges exigeants à la lettre etc… etc… mais le marketing ne fera jamais la qualité du vin, mais bon passons.

Mais les techniques de viticulture ont largement évolué et permettent de cueillir un raisin plus ou moins sain même les années pourries. Avec force doses de produits toxiques. D’autre part, les techniques d’œnologie (tout le travail qu’on réalisé à partir du raisin livré) permettent de toujours produire des vins conformes aux standards.

la cuve du pinot noir de l’extérieur puis de l’intérieur ! … matériel allemand, natürlich !

 

Une Installation modernisée

Ces dernières années, la cave coop de Hunawihr a beaucoup modernisé sa cave de vinification. Les installations prennent place dans un espace « ancien » qui n’est pas toujours idéal pour gérer les flux et les activités de manière optimale pour une entreprise actuelle. A la question « allez-vous déménager à l’extérieur du village comme le font beaucoup et même des petits producteurs ? » la réponse est un non catégorique. Le quai de déchargement donne sur une rampe qui dessert 4 pressoirs pneumatiques.

Le vin rouge (Pinot Noir) subit sa macération dans des cuves inox immenses tout droit venues d’Allemagne, avec remontage mais sans pigeage. Impressionnantes de taille !

 

Un caveau accueillant

Comme dans les autres structures coopératives, l’accueil est digne de l’Alsace, souriant, ouvert, et on n’hésite pas à vous servir du vin à déguster. Certes, on a affaire à des vendeurs et pas à des spécialistes, mais les caves coop ont rarement affaire à des amateurs passionnés. Il faut donc relativiser. En tout cas, les caves coop sont les champions de l’accueil, il faut le dire.

 

magnifique machine à remplir Perrier !

 

Alors, qu’est-ce que ça donne dans le verre ?

J’ai eu l’occasion de déguster un certain nombre de vins de la cave coop. Primo, j’ai été bousculé dans mes standards, c’est l’occasion de préciser que l’amateur passionné n’a pas les mêmes exigences et attentes que le client lambda. Oui en effet il n’y a pas qu’une seule vérité.

Pour moi, un vin de cépage doit être net, digeste, on doit avoir envie d’en reprendre, il est abordable et c’est un vin de plaisir pur ; Un vin de terroir doit être profond, dense, harmonieux, long, complexe. Le standard du vin courant, celui qu’on trouve en masse, c’est à l’évidence un vin léger, la trame importe peu, il a un arôme dominant, une attaque en bouche franche puis il verse soit sur la forte acidité, soit sur la sucrosité. Ceci en vin de cépage comme en Grand Cru.

Les repères sont donc totalement différents. Mais les moyens d’arriver à ces résultats différents le sont aussi ! Le vigneron cultive sa vigne selon un seul objectif, une seule méthode. 100 viticulteurs cultivent tous selon un même cahier des charges … mais sur des vignes éparpillées, chacun à un moment différent, avec des outils différents, et chaque personne exprime (ou pas) un attachement propre à sa terre, à sa vigne. Donc même si les 100 viticulteurs sont des passionnés, il n’existe pas d’unité et le raisin, c’est la matière première. Or dans toute chaine, c’est l’élément le plus faible qui fait la qualité maximale du résultat final.

Ceci est évidemment valable pour tous les vins dont les raisins sont cultivés par des personnes différentes, qu’ils soient issus de coopérateurs ou de raisin acheté en négoce. Avantage néanmoins aux caves coop qui ont un esprit commun, c’est un peu comme une association, et tous sont associés à un résultat final. Gageons que la concurrence qui monte actuellement ne pourra que pousser les choses dans le bon sens.

Alors finalement après tout ce blabla c’est bon ou pas ?

Je le rappelle, je ne suis pas un dégustateur, je ne saurais pas avoir cette prétention. Je déguste avec mes sens, mes émotions, et ma mémoire, mes attentes.

Je ne vais pas raconter d’âneries, les vins d’une cave coop ne peuvent pas correspondre aux standards d’un amateur passionné. En clair, je n’ai globalement pas aimé, ce qui veut rappeler à l’amateur de vin que son goût ne correspond pas au goût du consommateur lambda. Qui a raison ? Personne, les goûts les couleurs … se cultivent et se forment. Mais je serai fairplay, comme pour les vignerons que je vais visiter, je ne citerai que les vins qui sortent le plus du lot.

Riesling Vieilles Vignes 2015 : Nez qui muscate, typique d’un Riesling. Bouche à l’attaque franche, bouche sympa d’un vin simple avec un peu de perlant. BIEN

Grand Cru Schoenenbourg Riesling 2014 Cave de Hunawihr

Nez Faible. Bouche plus structurée que le Ri de base, la bouche est sympa, sans défaut, la complexité est moyenne mais présente, la bouche est courte, l’acidité rappelle un peu trop le pamplemousse.
Note dans l’absolu et par rapport à son prix : BIEN+

Note rapportée à sa prétention de Grand Cru et de vin d’un des plus grands terroirs d’Alsace : BOF

NB : Je veux dire que la prétention au « Grand Cru » impose, que ce soit pour une cave coop comme pour un vigneron, d’être dans le charme et l’excellence, dans une harmonie qui est flagrante. Le Grand Cru Alsacien doit être au Blanc ce qu’est le Grand Cru de Bourgogne au Rouge ! De plus, Schoenenbourg doit se placer dans les plus grands des crus, à l’image des Crus les plus prestigieux entre Vougeot et Chambolle.

Cremant d’Alsace Calixte 2012

Belle mousse, assez finement beurré, très agréable, équilibré, se goûte demi-sec, pas mal du tout ! BIEN+!
Ce crémant devra concourir à une série de vins à bulles à l’aveugle !

And … last but not least …

Grand Cru Rosacker Riesling 2005 10 years after !

Nous avions été stupéfaits par la dégustation à l’aveugle de ce vin quelques temps après sa sortie. La cave de Hunawihr m’a gentiment donné une bouteille de ce vin issu de son oenothèque.

On trouve ici le Rosacker, avec la puissance élégante du calcaire, sa bouche qui se développe en s’allongeant avec sa pirouette dans le développement final, si typique, et sur un équilibre difficile à placer qui ne doit jamais être trop sec ni sucré. On trouve les deux ! comme quoi ! 🙂   C’est un Rosacker ! note absolue : TRES BIEN
note relative à sa prétention : BIEN++!!! Yessss!!!

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D’une manière générale j’ai trouvé les vins trop sucrés, mais c’est encore en 2016 le standard du vin d’Alsace, ce sucre partout. On est là dans un vrai problème de standard. Mais comme je l’écrivais dans un billet que certains ont adoré mal interpréter, c’est l’ensemble de la profession qui réclame ces vins sucrés insipides, car en Alsace, « matière » veut dire sucre !

Les caves coop ne font que suivre le standard et elles ne peuvent pas trop déroger à cette règle. Pourtant, si on considère la dictature du sucre dans le vignoble alsacien, les vins de la cave de Hunawihr on le mérite d’essayer de proposer autre chose. Si le Riesling Grand Cru Rosacker 2015 qui n’est rien d’autre que du sucre en liquide, le 2005 prouve qu’il est possible de faire un joli vin même dans une cave coop !

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belle oenothèque, non ?

 

Merci beaucoup à la Cave de Hunawihr d’avoir eu le courage d’essuyer les plâtres avec un amateur de vin de niche ! Ca donne envie d’aller voir dans d’autres caves coop où se nichent les vins qui sortiront du lot ! Surtout, continuez à élever l’exigence par votre passion et votre ouverture, et qu’elle se traduise jusque dans le verre, car là aussi les coopérateurs allemands ont quelques longueurs d’avance. En gros, pour être plus Alsacien, cherchons les recettes de notre excellence dans ce que font les autres et adaptons-les à nos spécificités, c’est ce qui a toujours fait la recette des succès alsaciens !

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