Cette série de billets est issue de l’ouvrage encyclopédique du chanoine Médard Barth publié en 1958 « der Rebbau des Elsass » ou « Le vignoble d’Alsace », ouvrage de référence en matière d’Histoire du vin d’Alsace.
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Les travaux de la saison viticole au Moyen-Âge
Les sources sont ici encore les archives des abbayes lorsqu’elles nous sont parvenues. En effet les meilleurs vignobles étaient détenus par des ordres religieux, qui faisaient travailler des fermiers.
Chaque Abbaye édictait son calendrier des travaux de la vigne, tout comme de nos jours les caves coopératives rythment la viticulture. Sauf que ceux qui travaillaient la vigne ne faisaient pas ce qu’ils voulaient.
Au 9ème siècle déjà, les travaux de la vigne sont bien ordonnés : dans les archives de l’abbaye de Wissembourg, Médard Barth va trouver les premiers écrits concernant la viticulture en Alsace. On y trouve les travaux suivants : les termes en latin sont les termes anciens, les autres ont été répertoriés plus tard.
Putatio = Schnitt = tailler
Fodere = Hacken = piocher
Courber
Vincire = Binden = Attacher (Au fil du temps pour attacher la vigne, on utilisait le saule, puis les lanières de cuir, et enfin le plastique, le raphia et le fer)
Heften (palisser ?) les plus grands plants
Fodere denuo = rühren = labourer
Erbrechen – ébourgeonner
Effeuiller
Vindemia = Weinlese = vendanger
Ôter des tuteurs
Recouvrir les pieds pour les protéger du froid hivernal…cette mesure n’apparait qu’une fois dans les écrits, à savoir soit les enfouir sous la terre soit les entourer de paille. Mais ailleurs, on précise que le vignoble alsacien n’a pas besoin de cette protection au contraire de celui du Wurttemberg…(p100)
La fertilisation on trouve dans les contrats de location de l’Eglise St Georges de Haguenau pour ses vignes à Ettendorf : Il s’agit de fertiliser le pied tous les 5 ans. La fertilisation doit se faire en rotation. A raison de 8 chariots de fumier par an, il fallait immédiatement recouvrir celui-ci afin que l’ammoniaque ne s’évapore pas.
L’abbaye de Muri en Suisse (les Suisses possédaient beaucoup de vigne en Alsace) qui possédait des vignes à Rouffach et Pfaffenheim, précise que :
« chaque exploitant doit épandre chaque année 7 charrettes de fumier sur ses parcelles, ensuite tailler et attacher, piocher la terre à deux reprises, replanter là où cela est nécessaire, clôturer et surveiller les parcelles, et fournir les tuteurs. Quand le raisin est mûr, il doit faire surveiller les parcelles à ses frais. Celui qui à Pâques n’a pas taillé et labouré sera frappé d’amende ainsi que si à la Saint Jean il n’aura pas piocher deux fois ni attaché ». Dis-donc, ça ne rigolait pas à cette époque ! Les écrits font la différence entre les parcelles clôturées et les autres, en gros les parcelles clôturées sont celles des vins à forte valeur ajoutée.
1354 : Selon les archives du Dinhoff de Sennheim (1354), qui appartenait à l’abbaye de Oelenberg, les travaux de la vigne commençaient lors de la Messe des Lumières (LichtMess). La saison devait se dérouler comme suit : Schneiden = tailler / Sticken = enfoncer les tuteurs / Binden = attacher , Volbanden = Biegen = Courber
Le prédicateur mystique Tauler (1290 – 1360) décrivit les travaux de la vigne : « Le viticulteur commence par tailler les anciens bois, car s’il ne faisait pas ainsi, il obtiendrait un méchant vin acide. Et pour tailler une méthode sage est de retenir son couteau, de bien observer ce qui doit être coupé avant de le faire, « Halte still das Messer, bis das du schauest, was du zu schneiden hast» . Ensuite on recourbe le bois du haut vers le bas, on l’attache à de solides pieux afin qu’il se tienne en hauteur. Ensuite on bute les pieds avant d’ôter les mauvaises herbes. Plus tard, quand le soleil a rendu le raisin fin, on ôte les feuilles afin que le soleil frappe les baies afin qu’ils soient fruités. »
(P99) Plus tard, en 1438, la Weinordnug de Colmar, sorte d’édit viticole est rédigée, mais n’apportera rien de substantiellement nouveau.
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On le constate, les gestes actuels du viticulteur étaient déjà bien présents, les évolutions ne sont pas révolutionnaires depuis l’apparition de la vigne en Alsace.