Cette série de billets est issue de l’ouvrage encyclopédique du chanoine Médard Barth publié en 1958 « der Rebbau des Elsass » ou « Le vignoble d’Alsace », ouvrage de référence en matière d’Histoire du vin d’Alsace.
Je vous proposerai plusieurs billets à propos sur ce thème des cépages, tant il est vaste et intéressant dans le livre de Médard Barth…
Tout d’abord, l’auteur fait le distinguo entre les cépages nobles et les cépages ordinaires.
Le vin ordinaire est le vinum hunicum (faisant référence aux Huns) ou Hünnisch ou encore Kleinfränkisch ou Lauttertrauben (cépages de la multitude), on parle aussi de vin aqueux (wasserig).
Le vin noble est le vinum francicum -aimé des Francs et de leur Empereur – dénommé « Edel » (noble) ou encore Grossfränkisch ou « vini albi nobilis »
A ne pas confondre !
La distinction voire l’opposition de ces deux catégories est nettement et souvent mentionnée. Evidemment, il était hors de question que le vin ordinaire soit exporté. Ainsi un règlement de piqueurs de vin de Kintzheim de 1459 nous apprend que » le négociant doit proposer nombre de vins de cépages nobles et aucun vin de cépages ordinaire, et celui qui mélange des deux catégories de raisins perd son vin et son droit de négoce » …
Les ordres religieux étant souvent propriétaires des vignes, les moines veillaient à ce que les cépages nobles ne soient pas plantés au milieu des cépages ordinaires. Etant en relation avec des monastères des mêmes ordres monastiques, ils pouvaient importer et ainsi échanger et croiser des cépages venus d’autres possessions.
Les bons vins étaient connus et reconnus non par le nom des lieux-dits comme aujourd’hui mais par la commune. Ainsi la Ville d’Obernai a décidé en 1558 l’arrachage de tous les cépages non-nobles sur son vignoble. C’est ce qui s’est également produit à Thann (Rangen), toujours au 16ème siècle, ou encore à Riquewihr en 1575.
Nous parlerons plus tard de quels cépages étaient considérés comme nobles ou pas, mais les listes étaient régulièrement mises à jour, mais il semble que les plantations n’étaient pas mono-cépages.
Le chanoine de Boersch précise d’ailleurs qu’au 13ème siècle on mentionne la parcelle du bon cépage Schawernac à Boersch (lequel existait semble-t-il toujours en 1958). Ce cépage Schawernac était en fait très probablement celui qu’on connait sous le nom de Zinfandel.
Barth cite Bock qui écrivait que le Riesling pousse le long de la Mosel, le Rhin et le Wormsgau tandis que les Hynschtrauben cépages ordinaires poussent partout.
Enfin, Barth s’amuse à rapporter que les plus gros raisins des cépages ordinaires font rapidement leur effet sur les intestins et sont qualifiés de Scheiss-Trauben, que je ne traduirais pas ici par respect pour la langue française…
Le vin de qualité nettement plus cher
Pour donner une idée des valorisations, les chiffres de M Barth nous indiquent qu’au tournant du 16ème siècle le vin noble était 6 à 6.5 fois plus cher que le vin ordinaire.